FOSTE
Avec Foste, leur quatrième album, Stanza continue de tracer une ligne singulière dans le paysage de la pop française. Le disque, paru en 2017, se tient à la croisée des genres : pop française électro, fulgurances rock, instants de douce divagation et coups de poing frontaux. Derrière ses contrastes, Foste dresse le portrait d’un monde inquiet et mouvant. L’album explore les contradictions du monde contemporain et des êtres qui l’habitent, entre gravité et légèreté, rage et tendresse.
Enregistré fin 2016 après deux années intenses de tournée pour Unda, Foste est l’album le plus radical et le plus singulier de Stanza. À cette époque, le groupe divise : certains les encensent comme des “punks 2.0”, d’autres les réduisent à un “boys band nouvelle génération”. Lassés de ces jugements extérieurs et du snobisme de certains cercles musicaux, Jérémy et Jona choisissent la provocation silencieuse : effacer leur nom. À sa sortie en 2017, l’album est signé Foste, sans mention de Stanza, sans visage dans les clips, sans identité scénique autre que ce pseudonyme. Le projet se voulait une mise en avant radicale de la musique, au-delà de l’image. Ce n’est qu’en 2019 que le groupe reprendra officiellement son disque, réinscrivant son nom sur la pochette.
Mais Foste est surtout le disque d’une mue artistique. Jusqu’alors, Jérémy et Jona composaient chacun de leur côté, avant de croiser leurs idées. Pour la première fois, ils fusionnent réellement leur écriture. Le résultat est un album dense, aux contours multiples, mais traversé par une cohérence nouvelle : la rencontre de deux imaginaires qui s’entrelacent.
Avec Foste, Stanza a choisi de disparaître pour mieux renaître. Un album à la fois manifeste et laboratoire, où l’effacement de l’image coïncide avec la fusion créative des deux compositeurs. Album paradoxal, disque volontairement anonyme, Foste est autant un geste artistique qu’un manifeste contre le conformisme.
FOSTE – ALBUM 7 TITRES – 14 AVRIL 2017 – ERAGON PRODUCTIONS
Line up : Jérémy Dewinter (chant, guitare), Low (batterie, programmation), Jona (clavier, sound design), Alexandre Devaux (basse), Armand Manes (guitare – Foste Tour), Jamal Salhi (basse – Foste Tour)
Enregistrement, mixage, mastering : Mathias Sawicz
Photos : David Coppieters, Eragon Productions
Management : Anne Gauthier
CHANSONS
LE PIRE ET LE MEILLEUR
L’album s’ouvre sur un battement obstiné de grosse caisse, qui martèle longuement avant qu’une explosion finale ne libère toute l’énergie accumulée. Le texte explore l’ambivalence des sentiments, les zones grises où se côtoient bonheur et douleur. La mélodie se déploie avec souplesse, comme pour souligner cette oscillation permanente : rien n’est jamais tout blanc ou tout noir.
CYCLOPE
Plus sombre, ce titre évoque une bipolarité imposée par la société moderne. Le mot « cyclope » symbolise la vision unique, frontale, sans nuance : une manière d’illustrer nos vies tiraillées entre deux pôles extrêmes, sans place pour la complexité. La tension musicale renforce l’idée d’un balancement constant, d’un tiraillement dont on ne sort jamais indemne.
SANE
Clin d’œil malicieux aux codes du funk, ce morceau s’inspire directement de Prince : groove charnel, basse chaloupée, cuivres synthétiques qui claquent. Et pourtant, les paroles n’ont aucun sens – du pur yaourt envoyé volontairement au mixage. Un geste de défi face à une scène qui, à l’époque, reprochait à Stanza de chanter en français. Ici, le nonsense devient manifeste : la musique compte plus que le verbe, et le groove dit tout.
BREAK ME
C’est le morceau le plus lourd, nerveux, tendu. Une chanson rock sous haute tension qui aborde le harcèlement. Le texte, direct et sans échappatoire, capte la violence des rapports de domination. La musique martèle, comme pour mettre en sons l’oppression décrite. Ici, Stanza fait exploser son intensité la plus brute.
PANTIN
Sans doute un des morceaux les plus marquants de l’album. Porté par un gimmick électro entêtant et dansant, Pantin prend une dimension particulière : le texte fut finalisé le jour de l’attentat contre Charlie Hebdo. Il en émane une urgence, un désarroi palpable. Derrière le masque dansant, le mot « pantin » traduit l’idée de manipulation, d’impuissance face à une violence absurde. Le contraste entre la puissance rythmique et la gravité du propos frappe en plein cœur.
FUNKIN’ AROUND
Ici, Stanza joue la légèreté funky, dans un anglais décomplexé. Le titre détourne malicieusement l’expression « fucking around » pour la transformer en dérision des conseils non sollicités : « fais pas ci, fais pas ça ». C’est une chanson sautillante, ironique, qui se moque gentiment de cette injonction permanente à suivre des règles dictées par les autres.
COMME UN FIL
Avec ses nappes électro douces, cette ballade se fait invitation à la divagation. Le texte évoque l’ennui non comme une pesanteur, mais comme un espace fertile. « Comme un fil » trace la ligne ténue entre l’absence et la rêverie, entre le rien et le tout. C’est une chanson contemplative, presque méditative, qui suspend le temps.
PENSE À MOI (DÉMO)
Présentée en maquette brute, cette chanson pop au rythme soutenu frappe par la sincérité de son texte. L’appel « pense à moi » n’est pas une supplique mais une tentative de rester présent dans l’esprit de l’autre, comme si l’amour pouvait survivre dans la mémoire seule. La démo, inachevée, accentue cette fragilité.
DANS TES CENDRES (DÉMO)
Autre maquette, mais d’une intensité différente. Ici, la voix s’élève, les envolées vocales traduisent une lutte entre la perte et la reconstruction. Le texte parle de survivre après le feu, de renaître dans ce qu’il reste. Même à l’état de démo, la richesse mélodique transparaît et fait pressentir un morceau majeur.
LUCKY BOY (DÉMO)
Morceau rêvé par Jona, Lucky Boy n’a pas été retenu pour l’album, mais il est devenu une pièce maîtresse du Foste Tour. Véritable fantasme sixties, porté par une énergie funky et des couleurs électro-R&B, il rappelle combien Stanza sait jongler entre nostalgie et modernité. Avec son texte improvisé en anglais, comme Sane, le titre joue sur la spontanéité, et sur scène, servait de libération festive.
À L’INTÉRIEUR (DEMO)
Titre pop française et incandescent. Hymne à la liberté de soi, la chanson oppose les démons du passé à une fraternité en devenir. « Le droit de différer / Le droit de fédérer » : son texte revendicatif, presque militant, dépasse l’intime pour s’élever vers l’universel, transformant la musique en terrain de résistance collective.
THE POWER OF LOVE
Stanza dépouille le classique de Frankie Goes To Hollywood de ses grands habits eighties pour en révéler la tendresse. Guitares acoustiques, beats programmés minimalistes, et la voix de Jérémy qui porte la fragilité nue du texte. Là où l’original brillait par son emphase, cette version séduit par son intimité.